Traduction de l'anglais au français - Rédaction, réécriture et révision en français
2012-06-20 - « Académique » : un combat sans merci, mais encore faudrait-il que les lexicographes se rangent dans le même camp |
Dans le coin rouge, des sources qui font autorité au Québec en matière de langue française. Dans le coin bleu, d’importants intervenants du réseau de l’éducation québécois… appuyés par des dictionnaires français (de France). Au cœur de ce combat : l’emploi de l’adjectif académique au sens de « scolaire », d’« universitaire » ou de « pédagogique ». En lui assénant deux coups, l’un par la Banque de dépannage linguistique (BDL), l’autre par le Grand dictionnaire terminologique (GDT), l’Office québécois de la langue française (OQLF) emploie les grands moyens pour en arriver à un K.-O. Dans l’un de ses articles, la BDL affirme que la langue française n’accorde que deux sens à l’adjectif académique :
La BDL ajoute que académique est un anglicisme sémantique lorsqu’il est utilisé au sens de « scolaire » et de « pédagogique », emploi fautif attribuable, selon elle, à un usage plus large du mot anglais academic. Selon deux des phrases citées en exemple dans cet article, l’adjectif académique est également fautif au sens d’« universitaire ».
Voilà pour le premier coup de l’OQLF.
Le Grand dictionnaire terminologique s’en prend également à un tel emploi de l’adjectif académique… mais peu moins vigoureusement.
La fiche « scolaire », l’une des deux fiches auxquelles aboutit une recherche lancée avec le mot académique, explique que l’emploi de cet adjectif au sens de « scolaire » est critiqué.
« Critiqué »? Alors que la BDL affirme qu’il s’agit d’un anglicisme sémantique!?
La fiche en question, qui date de 2001, ajoute que cet emploi est retrouvé, « à tort, dans plusieurs syntagmes : succès académique, rendement académique, cheminement académique, apprentissage académique, rentrée académique ou matière académique ». Pour tous ces exemples, le GDT recommande l’emploi de l’adjectif scolaire.
La fiche ajoute toutefois ceci : « En français, académique qualifie généralement ce qui se rapporte à une académie ou qui est sans originalité. »
« Généralement »? Alors que la BDL affirme que le français n’attribue que deux sens à l’adjectif académique!?
Le Petit Robert (2011) est source d’un plus grand étonnement encore : cet ouvrage entérine l’expression année académique pour désigner une année universitaire au Canada (ainsi qu’en Belgique et en Suisse). Le Dictionnaire Hachette (2007), lui, accepte académique comme synonyme d’« universitaire » au Canada (ainsi qu’en Belgique et en Suisse).
Or, la BDL (dans l’article susmentionné) et le GDT (ici, ici et ici) frappent avec la même vigueur (cette fois-ci!) en ce qui concerne l’emploi de cette expression, qu’il ne faut pas utiliser, affirment ces deux sources, pour désigner une année universitaire ou une année scolaire.
Le Multidictionnaire de la langue française (2009, 5e édition), Termium, le Dictionnaire des anglicismes : Le Colpron (2007) et Mieux dire, mieux écrire (2007, 4e édition), d’Yvon Delisle, s’en prennent également à l’expression année académique. Le Petit Robert, à l’instar du Dictionnaire Hachette, n’a donc pas recouru aux principales références en fait de langue française au Québec et au Canada – ou il les a tout simplement ignorées –, constat qui mène à la question suivante : quelle est la source du Petit Robert pour répertorier cette locution et, partant, attribuer le sens « universitaire » à l’adjectif académique? Probablement les médias (ici et ici, par exemple), mais aussi, et presque assurément, les universités québécoises. Par exemple, l’équipe de direction de l’Université de Montréal est composée d’un vice-recteur aux grands projets académiques, celle de l’Université du Québec à Montréal, d’un vice-rectorat à la vie académique, et celle de l’Université Concordia, d’un vice-recteur exécutif aux affaires académiques. Récemment, l’Université de Montréal a dû modifier son « calendrier académique », tandis que l’Université du Québec à Montréal fait appliquer un règlement sur les « infractions de nature académique ». Ces universités ne sont toutefois pas les seuls acteurs du réseau de l’éducation québécois à recourir à un tel emploi de l’adjectif académique. Par exemple, la Commission scolaire de Montréal utilise les expressions « rendement académique » et « fonctionnement académique », et « retard académique ». Pourtant, ce conseil scolaire a produit un document, en l’occurrence Tare académique, pour mettre en garde contre l’utilisation de académique « pour faire référence à différentes réalités scolaires ». Pour l’instant, le combat ne semble avoir fait ni vainqueur ni vaincu. Et pour l’instant, ce combat se déroule aux dépens de traducteurs, de rédacteurs et de réviseurs, notamment, qui n’ont parfois d’autre choix que de se résigner à perpétuer un emploi fautif. En voici un exemple. La fiche « Conseil académique en santé » de la banque de terminologie de l’Université d’Ottawa explique que académique « est incorrect en ce sens, mais c’est ainsi que le titre a été approuvé, malheureusement ». La fiche précise que « Conseil universitaire en santé » aurait été une appellation plus appropriée. Parfois, cette résignation peut être doublement difficile à accepter; le titre de vice-recteur exécutif aux affaires académiques de l’Université Concordia en est un exemple. Rolando Gomes
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