Traduction de l'anglais au français - Rédaction, réécriture et révision en français
2012-11-09 - Matricule 728 : citer ou ne pas citer, telle est la… |
Dans son livre Le Métier de journaliste, Pierre Sormany consacre plusieurs pages à la citation. L’auteur, chargé de cours en journalisme à l’Université de Montréal et ex-employé de Radio-Canada, traite notamment des règles de base à observer et de l’importance des citations dans les médias. Toutefois, la question de la qualité de la langue dans les citations dans la presse écrite n’est pas abordée. Il s’agit pourtant d’un aspect incontournable, l’utilisation de citations dans l’écriture journalistique impliquant presque toujours un transfert de la langue parlée à la langue écrite. En fait, la principale indication ayant trait au processus de rédaction lors du recours aux citations est le passage suivant :
Ce principe de fidélité des propos rapportés a été mis en application avec une rigueur extrême, voire excessive, dans l’affaire de la policière au numéro de matricule 728, policière du Service de police de la Ville de Montréal qui a récemment défrayé la chronique en raison de ses interventions musclées. Au cours de l’une de ces interventions, la policière avait saisi les téléphones cellulaires des personnes visées, et l’un de ces appareils avait enregistré une conversation que matricule 728 a eue avec un autre policier. Une partie de cet enregistrement a été mise au jour par Radio-Canada. Voici deux citations tirées de cette conversation, truffée de jurons et en joual, que Radio-Canada a insérées dans un article diffusé le 10 octobre sur son site Web :
Il est vrai, et particulièrement pour la presse écrite, que les jurons, les fautes et les autres écarts de langage dans une citation ont parfois l’avantage de transmettre ou de mettre en évidence un aspect particulier de la personnalité de la personne citée. Vrai également que rapporter à l’écrit les propos d’une personne qui parle le joual ou qui utilise un langage grossier peut être une entreprise épineuse. Dans de tels cas, il vaut souvent mieux – et il est également moins risqué – d’opter pour la citation indirecte (ou citation d’idée) et de placer quelques mots ça et là entre guillemets, plutôt que de recourir à la citation textuelle. Le guide Normes et pratiques journalistiques de Radio-Canada fait valoir que les jurons et les propos susceptibles d’offenser sont à proscrire, mais qu’il « y a des situations où la diffusion de propos habituellement considérés comme offensants se justifie ». Cet extrait concerne seulement les jurons et les propos susceptibles d’offenser. Et le guide de Radio-Canada ne traite aucunement de la qualité de la langue proprement dite. Peut-être ce vide explique-t-il la présence des deux citations dans l’article de Radio-Canada : la diffusion des jurons et des propos susceptibles d’offenser était considérée comme justifiée, et les Normes et pratiques journalistiques n’accordent aucune importance à la qualité de la langue. Qu’importe. Ce n’est pas tant la décision de diffuser des jurons et des propos susceptibles d’offenser qui pose problème, mais plutôt la transcription, qui, elle, est indiscutablement douteuse. Par exemple :
Bref, une sorte de transcription phonétique assez médiocre. D’abord, en lisant de tels passages, le lecteur pourrait avoir l’impression de lire un message texte sur un téléphone cellulaire, et non pas un article d’une entreprise médiatique de l’envergure de Radio-Canada. Ensuite, une telle transcription phonétique des propos de la policière peut conduire le lecteur à penser que l’idée première derrière la diffusion des citations était de caricaturer la policière, et non pas d’informer. Après tout, lorsqu’un quotidien québécois cite une personnalité de la France, aucune méthode particulière n’est observée pour rendre l’accent ou le parler français. À quoi bon donc écrire « r’rentrent » plutôt que rentrent? D’autre part, la citation textuelle d’aussi longs extraits était inutile : les internautes peuvent écouter les propos de la policière dans une vidéo intégrée dans l’article de Radio-Canada ou même sur YouTube. Mais le comble du ridicule est que d’autres entreprises médiatiques se sont empressées de diffuser les citations sans trop réfléchir… Mais en y réfléchissant tout de même suffisamment pour prendre soin d’apporter quelques « corrections ». Ainsi, La Presse a choisi d’écrire, avec raison, « je me bats », mais a opté pour « a voulu que » pour transcrire y a fallu que (il a fallu que). Aussi, ce quotidien montréalais estime qu’il est préférable d’écrire « pour qu’y sa, se dispersent », écartant ainsi le « pour qu’y ça, se dispersent » de Radio-Canada… Le Devoir, lui, s’est limité à la diffusion de la première des deux citations. Ce quotidien a jugé nécessaire d’ajouter quelques virgules, d’accorder au pluriel ostie dans « osties de carrés rouges » et de supprimer un t dans le « toutte commencé à sortir » de Radio-Canada... Devant ce type de transcription, certains pourraient se dire : « Citer ou ne pas citer, telle est la question ». Mais dans ce cas-ci, LA question à se poser avec davantage d’attention aurait surtout dû être « comment citer? ». Mais encore faudrait-il que la qualité de la langue ait de l’importance. Rolando Gomes Vous souhaitez être informé(e) de la publication d'une nouvelle capsule linguistique? Eh bien, abonnez-vous! |
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