Traduction de l'anglais au français - Rédaction, réécriture et révision en français
2011-12-14 - « Puisque » et « parce que » : une histoire de nuances peu valorisée |
Bon nombre de langagiers et de journalistes emploient puisque et parce que sans égard pour le contexte, sans tenir compte des faits et informations connus par le lecteur… Bref, comme s’ils étaient en présence de synonymes parfaits. Malheureusement, une impropriété risque fort de se produire lorsqu’une telle négligence est commise, une nuance notable distinguant cette conjonction et cette locution conjonctive. Cette nuance, Maurice Grevisse et André Goosse la résument parfaitement, et en quelques mots, de surcroît, dans leur Bon usage (14e édition, 1139, a) : « Puisque n’indique pas une véritable cause, mais sert à introduire la justification de ce que l’on dit ». Un peu plus loin, les auteurs ajoutent : « D’une manière générale, la justification introduite par puisque est un fait connu, ou supposé connu, de l’interlocuteur ». Voilà pourquoi il importe de songer aux éléments d’information ayant été portés à l’attention du lecteur avant d’employer puisque. Voici deux exemples d’emploi erroné. Le premier figure dans un article de l’édition du 13 décembre 2011 du Devoir, le second, dans une entrée récente dans la Gazette du Canada. Dans les deux cas, la nature de l’erreur est la même : le moment de la mise aux voix du budget et l’impossibilité de convertir en format HTML n’avaient pas été mentionnés dans le texte auparavant. Ces informations ne pouvaient donc pas être connues du lecteur. Dans les deux cas, il aurait été plus approprié d’utiliser parce que, « locution conjonctive qui répond à un pourquoi (…) » et « permet d’exprimer une cause, réelle ou logique, en toute objectivité (…) ». Par ailleurs, une impropriété aurait également été à déplorer si étant donné que avait été utilisé dans les deux exemples ci-dessus. De fait, les auteurs du Bon usage précisent que leurs observations au sujet de puisque valent également pour cette locution conjonctive. À leur décharge, les langagiers fautifs pourraient faire valoir que les principaux ouvrages de référence utilisés dans leur domaine ne mettent pas tous l’accent sur les nuances particularisant puisque et parce que. Par exemple, le Petit Robert (2011) propose trois types d’emplois de puisque, mais aucune mise en garde concernant les risques d’emploi erroné. De plus, cet ouvrage définit d’emblée puisque comme étant une « conjonction de subordination à valeur causale ». Devant une telle entrée en matière, un langagier un tant soit peu pressé pourrait conclure à la synonymie. Après tout, la locution conjonctive parce que exprime une cause… Le Petit Larousse (2005), qui, contrairement au Petit Robert, n’est pas considéré comme un dictionnaire de langue, propose une entrée courte mais fort utile : « Marque le motif, la cause, la raison connus ou évidents (…) ». Le Dictionnaire Hachette (2007), lui, est particulièrement avare de précisions : n’y figurent qu’une « définition », à savoir « Du moment que, étant donné que », un exemple qui n’explique rien ainsi qu’une précision concernant l’élision. Le tout tient en moins de trois lignes. Qu’en est-il des ouvrages davantage spécialisés? Aucune nuance n’est mentionnée ni dans le Multidictionnaire de la langue française (5e édition) ni dans le Dictionnaire des synonymes, nuances et contraires (Le Robert, 2005). Le second ouvrage se distingue pourtant de plusieurs autres dictionnaires de synonymes par ses encadrés servant à établir des nuances entre des termes donnés à tort pour synonymes parfaits. Pis encore : sous l’entrée puisque, ces deux ouvrages proposent parce que comme synonyme. À l’instar du Petit Robert, le Lexis (2009) comporte une longue entrée pour puisque. Cependant, aucune distinction avec parce que n’y figure. Et les seuls éléments explicatifs en fait de contexte ne franchissent pas les limites de la relation entre propositions principale et subordonnée. La conclusion de cette capsule? Puisque et parce que : une conjonction et une locution conjonctive trop souvent mal employées, probablement pour cause de nuances quasi inexistantes dans les dictionnaires.
Rolando Gomes
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